Scènes 2D

Le corps en mouvement représenté.
Etudes, dessins, observations, peintures. (1987-1989)

Mon travail dès les années 80 a commencé par des études, dessins d’observation des corps en mouvement (modèles ou danseurs professionnels), au sein d’un groupe de travail animé par le plasticien Claude Jeanmart, dans un espace de travail partagé dans lequel j’étais moi-même immergée et dans lequel je me déplaçais tout en dessinant. Je m’efforçais de rendre l’essence pure du mouvement en cours.

Je réalisais des scénographies qui permettaient de permuter les rôles et les positions dans l’espace de travail, des modèles, de l’observateur et des images produites. Avec cette méthode de travail, les schémas habituels : émetteurs-récepteurs, producteurs-consommateurs, professionnels-amateurs, acteurs-spectateurs, scène-salle étaient remis en question par une participation collective du groupe.

Les résultats sont des notations graphiques rapides, prises à la volée ou des décompositions intuitives du mouvement (ce que Marey et Muybridge ont fait avec la photo de manière quasi-scientifique). Il est fait appel à un répertoire de gestes de la main, qui se sont élaborés dans un rapport mimétique en temps réel avec l’évolution des corps observés : déplacements, virevoltes, arrêts, ruptures, courbures, cassures… contrastes rythmiques entre mouvement et non-mouvement, mobilité-immobilité, action-contemplation et toutes les gradations intermédiaires qui permettent d’effectuer leurs passages successifs. Le support papier est devenu une scène bidimensionnelle pour la danse de la main qui retranscrit dans une empathie parfaite le déplacement des corps. A partir de la mémoire de ces séances de travail et des dessins produits, a été réalisée une série de peintures intitulées Corps-Espace-Lumière. Travail construit de structuration du plan du tableau à partir des lignes du corps observées, travail sur l’énergie, la dynamique et le mouvement des corps vivants. C’est Gilles Deleuze qui nous rappelle, dans le premier chapitre de L’image-mouvement (Chapitre 1 – Thèse sur le mouvement, premier commentaire de Bergson) que pour Henri Bergson le mouvement, c’est avant tout rayonnement d’énergie, vibration.

1987-1988
1989
Exercices graphiques, structuration du plan, peintures. (1988

Le corps en mouvement représenté par la transcription de ses déplacements spatiaux et temporels, au moyen de lignes, de brisures, d’arrêts, de circonvolutions, de frottements etc. a servi aussi de base préparatoire à un travail d’exercices graphiques de structuration du plan.

Dans ces exercices, des scènes bidimensionnelles, quadrillées par des espaces circonscrits, emboîtés, ouverts,  surélevés, distants ou proches, déliquescents ou solides, se creusent ou enflent dans une perspective multidirectionnelle sans ligne ni point de fuite. Ces exercices graphiques préfigurent mon intérêt futur pour des territoires mouvants et reconfigurables. Ces études graphiques, produites en grand nombre de façon quasi automatique, constituent l’ossature d’une série de peintures à l’acrylique sur toile : les « Espaces mentaux ». La série des Espaces mentaux (1988) peints à l’acrylique sur toile, donnent chair par la matière picturale aux exercices graphiques de structuration d’un plan qui en constituent le squelette.

Exercices graphiques
Exercices mentaux
Peintures systèmes dynamiques. (1989-1994

Entre 1989 et 1994 a suivi un travail de peinture à l’acrylique sur toile et papier de moyen et très grand format, continuant le travail sur la question du corps et de la relation corps-espace. De la représentation du corps du modèle je passe, avec ces travaux, à la représentation d’un système dynamique. Matière-énergie, matière-vibration, matière-lumière, les peintures qualifiées de Systèmes dynamiques, d’Entropies tentent de saisir les formes en devenir, l’instant où la matière peut basculer d’un état vers un autre et délivrer ainsi ses potentialités emprisonnées. Les réalisations foisonnantes de couleurs vives saturées vont progressivement s’épurer et se concentrer vers l’essence et l’essentiel dans des travaux quasi-monochromes, où la matière se comporte comme des particules dans un système dynamique se régulant entre ordre et chaos.

Les tableaux de 1993-1995 cassent l’unicité d’un centre organisateur pour prendre en compte un éclatement d’une multitude de centres autour desquels gravitent des formes à l’état naissant, représentation de mondes en interaction les uns avec les autres.